Birmanie : Aung San Suu Kyi privée de liberté pour 18 mois de plus
"La dirigeante de l'opposition birmane Aung San Suu Kyi a été condamnée mardi à 18 mois supplémentaires d'assignation à résidence, ce qui l'exclut du paysage politique en vue des élections fixées à 2010 par le régime militaire.
La sentence, prononcée à l'encontre de la
lauréate du prix Nobel de la paix dans l'enceinte de la prison d'Insein, au nord de Rangoun, a entraîné de vives réactions internationales, ainsi que des menaces de nouvelles sanctions européennes.
Le Conseil de sécurité des Nations unies était réuni depuis 15H00 (19H00 GMT) pour débattre de cette condamnation.
Un tribunal spécial a reconnu Mme Suu Kyi coupable d'avoir violé les termes régissant depuis 2003 son assignation à résidence et l'a condamnée à trois ans de prison et de travaux forcés, mais sa peine a été commuée en 18 mois de résidence surveillée.
Mme Suu Kyi, 64 ans, était accusée d'avoir brièvement hébergé en mai un Américain, John Yettaw, qui s'était invité chez elle après avoir nagé jusqu'à son domicile, au bord d'un lac.
"Merci pour le verdict", a déclaré Mme Suu Kyi, sur un ton sarcastique, à la lecture de la condamnation. Elle portait une tenue traditionnelle birmane mêlant le rose et le gris clair, et son visage semblait fermé, selon une journaliste de l'AFP présente au tribunal.
Le ministre birman des Affaires intérieures, le général Maung Oo, a ensuite fait une entrée surprise à la Cour et annoncé que Than Shwe, numéro un de la junte, avait signé un décret commuant la peine de prison en résidence surveillée.
Il n'a pas exclu que la peine soit encore réduite si Mme Suu Kyi se comportait bien.
De son côté, John Yettaw, mormon de 54 ans à l'origine de la mise en accusation de l'opposante, a été condamné à sept ans de prison et de travaux forcés. Il a écopé de trois ans pour avoir enfreint des lois sécuritaires, trois ans pour violations des lois sur l'immigration et d'un an pour avoir nagé illégalement dans un lac de Rangoun.
M. Yettaw a souffert de plusieurs crises d'épilepsie au cours de la semaine écoulée et n'a quitté l'hôpital que lundi soir, selon des responsables birmans.
La figure de proue de l'opposition birmane a été reconduite dans l'après-midi à son domicile, sous haute sécurité.
Ses deux dames de compagnie ont écopé de la même peine qu'elle. Toutes trois étaient passibles de cinq ans de prison et le régime a voulu donner l'impression qu'il tenait compte des appels internationaux et qu'il était prêt à faire preuve de clémence, ont estimé des analystes.
Mme Suu Kyi, secrétaire générale de la Ligue nationale pour la démocratie (LND, principal parti d'opposition en Birmanie), a été maintenue en isolement pendant 14 des 20 dernières années.
Les réactions internationales n'ont pas tardé et la plupart des gouvernements ont estimé que les élections de 2010 n'auraient aucune crédibilité sans sa participation.
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, qui s'était rendu début juillet en Birmanie, s'est déclaré "profondément déçu" par le verdict et a enjoint la junte de considérer enfin Mme Suu Kyi comme une "actrice essentielle" du jeu politique.
Le président américain, Barack Obama, a qualifié d'"injuste" la condamnation de l'opposante et a appelé à sa libération "immédiate et sans condition". Sa secrétaire d'Etat, Hillary Clinton, a estimé qu'elle "n'aurait pas dû être jugée et condamnée".
Tous deux se sont aussi émus du sort de John Yettaw, dont le département d'Etat a qualifié la peine de "cruelle" et "excessive".
Le président français Nicolas Sarkozy a qualifié le verdict de "brutal" et d'"injuste". Le gouvernement canadien a estimé que la junte était mue par un "désir de vengeance" à l'encontre de l'opposante.
La présidence suédoise de l'Union européenne (UE) a réclamé la "libération immédiate et sans conditions" de Mme Suu Kyi et annoncé son intention de prendre de "nouvelles mesures ciblées" à l'encontre du régime birman.
La Birmanie est depuis plus d'une décennie sous le coup de sanctions européennes et américaines, renforcées après l'écrasement de la révolte des moines bouddhistes en 2007."
AFP - mardi 11 août 2009, 21h25